Cette année semble être particulièrement riche en floraisons, sans doute pour compenser le fait que la précédente n’était pas terrible.
En passant en voiture le long de friches plus ou moins anciennes j’ai remarqué qu’il y fleurissait beaucoup d’orchidées.
J’ai donc pris mon courage dans une main et une ferme décision dans l’autre et je suis retourné sur la voie romaine de Massac prés de Lavaur où j’ai vécu quelques années.
C’est un endroit où j’avais l’habitude d’aller, à la saison (maintenant), photographier des orchidées.
La voie romaine suit la crête des collines sur plusieurs kilomètres et j’ai perdu l’habitude de marcher.
Le chemin n’a donc pas été facile mais je ne me suis pas déplacé pour rien.La première photo montre une serapias à long labelle (serapias vomeracea), j’aurais tout aussi bien pu ne pas me déplacer pour celle-ci car il y en a beaucoup prés de l’endroit où j’habite, beaucoup plus que d’habitude. Tout comme celle de la seconde photo : l’orchis pyramidal (anacamptis pyramidalis), elle décore les bords de l’autoroute d’Albi comme pour fêter la Pentecôte dont elle porte aussi le nom. Il y en a vraiment partout en ce moment.
Il faut dire que c’est aussi la plus visible, les autres sont plus discrètes.
C’est le cas de celle montrée sur la troisième photo.
Enfin, celle que j’ai photographiée était petite, habituellement elles peuvent monter à plus d’un mètre de haut.
C’est l’orchis bouc (himantoglossum hircinum) ainsi nommée à cause de l’odeur qu’elle dégage, mais il faut vraiment mettre le nez dessus pour la sentir.
Les orchis bouc sont les dernières à fleurir en ce moment elles sont vraiment au tout début de leur floraison
Elles aussi sont très communes, j’en ai même vu jaillir dans un terrain vague en plein milieu de la ville de Toulouse.
Evidemment le terrain vague a disparu et les orchis aussi.
Il faut dire qu’elles détestent la civilisation, les labours, les pesticides et même les engrais chimiques ; Ce sont des sauvages qui se réfugient sur les bords de routes et les endroits délaissés par l’agriculture.
Au fur et à mesure que j’avance je trouve des espèces moins communes.
Voici, sur la quatrième photo l’orchis homme pendu (aceras anthropophorum) ainsi nommée parce que ces sépales rassemblés en coque et son labelle dentelé donnent l’image d’un petit homme.
Cette espèce-là, par contre est en fin de floraison, les spécimens que je rencontre sont en retard car ils poussent dans des endroits ombragés ce qui fait que les fleurs sont plus pâles que celles qu’on voit en avril dans les endroits ensoleillés.
Mais ce n’est pas pour autant que je vais refuser de l’honorer d’une photo.
Plus loin, là où la terre montre ses os de roches calcaires voici que je trouve les premières ophrys.
Les petites malignes ont un labelle qui ressemble au corps d’une hyménoptère, abeille ou bourdon, les mâles de l’espèce, trompés par cette ressemblance s’en viennent copuler avec ce simulacre ; Ce faisant ils se collent les pollinies sur le front qu’ils s’en vont déposer sur la fleur suivante.
C’est ainsi que les orchidées font l’amour.
Celle qui figure sur la cinquième photo est une ophrys araignée (ophrys sphegodes) c’est elle aussi une retardataire, les ophrys araignée sont les premières à fleurir en Avril.
Bon, elle n’a rien de spectaculaire avec ses pétales et ses sépales verts mais elle m’annonce que je suis bien arrivé sur le terrain des ophrys.
Et justement voici que je trouve tout un groupe d’ophrys bécasse (ophrys scolopax).
Bon, je ne suis pas trop sûr de mon identification, les ophrys ont tendance à se mélanger et à produire tout un tas d’hybrides qui rendent leur classification très floue.
Sans compter que leurs formes changent selon la latitude ; Espèces et sous-espèces se succèdent sans interruption du nord au sud de l’Europe.
Bon, on va dire que la sixième photo montre une ophrys bécasse et si quelqu’un n’est pas d’accord qu’il le dise.
Cela fait plusieurs heures que je marche et je commence a être crevé. Je décide de rebrousser chemin.
Je suis crevé et en plus ça monte !
Bon, quelques instant de repos ne peuvent pas me faire de mal. Je me laisse tomber sur le bord du chemin et là…
Stupéfaction ! Juste devant moi un petit groupe d’une orchidée que je n’avais pas revue depuis au moins vingt ans !
Si discrète que si je ne m’étais pas arrêté je serais passé sans la voir : c’est la petite serapias langue d’oiseau (serapias lingua) de la photo numéro sept.
La dernière fois que je l’avais vue elle poussait sur un terrain plutôt marécageux et je n’aurais jamais imaginé la trouver sur ces pelouses sèches.
J’étais ravi que mes efforts m’aient amené à un aussi beau résultat mais mon chemin n’était pas encore fini.
Quelques centaines de pas plus loin, alors que la sueur me coulait dans les yeux, je l’ai enfin aperçue celle qui n’avait fait faire quarante kilomètres en voiture dans le secret espoir de la trouver.
L’ophrys abeille (ophrys apifera) la merveille des ophrys du pays, la plus belle sinon la plus rare.
Mon ophrys préférée entre toutes, le couronnement de cette épuisante balade.
Je suis reparti le pas lourd mais le coeur léger.
Je n’ignorais pas que, le lendemain, j’aurai mal à des muscles dont j’avais oublié l’existence, mais ça valait le coup ; Je me retrouvais jeune à nouveau – au moins en esprit – quand je crapahutais tout les mois d’Avril et Mai à la poursuite des orchidées sauvages.